De la Finlande à la Grèce, dans l'Europe et la France profonde, Deruber a été un quêteur de lumières et de rencontres d'hommes

 

 

 

 

 

 

Ses oeuvres sont signées Deruber. Une latinisation de son vrai nom : Désiré Roth. Entre deux tableaux, cet artiste-peintre qui expose dans le monde entier n'hésite pas à affronter les dures réalités du monde du travail. Il met notamment son imagination débordante et sa créativité au service des demandeurs d'emploi.

DERUBER, PEINTRE ET PHILOSOPHE

Dans son atelier de la rue du Bain-aux-Plantes, en plein quartier de la Petite France, Deruber, imposant, barbe noire et regard pétillant, ajuste sa djellaba - sa tenue préférée et, plein de verve, se laisse aller à quelques confidences. «Longtemps, la peinture a été un jardin secret. Un jour, je me suis retrouvé veuf avec deux enfants. La peinture est alors devenue pour moi une maîtresse.» Après des études de médecine et quelques années d'activité dans le paramédical, Deruber se met à exposer ses premières oeuvres en 1966. " Je suis une ! vocation tardive " se plaît-il à souligner. Aujourd'hui, il peint une centaine d'aquarelles, de gouaches et d'huiles par an. Par ses oeuvres mi-abstraites, mi-figuratives, tourmentées souvent, Deruber étonne, dérange parfois. Mais, il n'en a cure: «Toutes mes peintures ont une histoire et chaque personne les interprète à sa façon! » Avec des dégradés de bleu et des orangés flamboyants, il recrée le monde à sa manière: « Je ne suis pas un peintre traditionaliste. J'aime disséquer les choses. Ma formation médicale y est sans doute pour quelque chose.»

L'ANIMATI0N DE STAGES DE REINSERTION

Touché par le chômage à l'âge de cinquante ans, l'artiste, profondément meurtri par cette situation d'échec, décide d'oeuvrer contre le fléau. Parallèlement à sa carrière de peintre, Deruber anime, depuis 1980, des stages de réinsertion pour demandeurs d'emploi gérés par la Chambre de commerce et d'industrie de Strasbourg. La personne sans travail doit savoir forcer le destin et faire bien plus qu'éplucher les petites annonces, explique Désiré Roth. "Les participants aux stages apprennent à se vendre auprès de leurs futurs employeurs en présentant des projets concrets. Tout est une question de motivation." Les résultats, visiblement, sont plus que concluants puisque l'unité strasbourgeoise fait figure de modèle en France. Personnage marquant s'il en est, Deruber a même été source d'inspiration pour d'autres. C'est ainsi qu'il est le héros, malgré lui, d'un roman policier d' Yves Jacquemard et Jean-Michel Sénécal, "Le Crime de la maison Grün", prix du Quai des Orfèvres, en 1977. Deux fois veuf, plusieurs fois séparé, Deruber n'a pas été épargné par les coups du sort. Par une nuit d'automne, en octobre 1986, les soixante-douze tableaux qu'il exposait au «Puits 6», un restaurant de Merkwiller-Pechelbronn, furent détruits dans un incendie. "Vingt années de travail parties en fumée..." Soutenu et encouragé par des amis qui se mobilisent pour lui faire remonter la pente, Deruber se remet à l'ouvrage, diversifie ses activités et cherche à appliquer son précepte favori: identifier culturellement un événement par une démarche plastique. Lors de la visite de Jean-Paul II à Strasbourg, en 1988, Deruber a ainsi honoré une commande de l'Évêché en peignant à sa manière quelque mille cinq cents chemises portées par de jeunes choristes lors de leur rencontre avec le pape. Dans le même esprit, il s'est mis à transfigurer les murs de béton. On lui doit ainsi une grande fresque à la Maison de quartier d'Ostwald.

UNE NOUVELLE EXPOSITION

D'autres projets du même type sont à l'étude, notamment à Saverne et Strasbourg. Mais ne vous attendez pas à y trouver des personnages aux contours précis. "Je n'identifie l'être humain que par une trace", s'empresse de préciser Deruber. On fait aussi appel à lui comme "illustrateur" prestigieux chargé de concevoir des "cartes d'identité culturelles"pour des organismes officiels ou des entreprises. Et l'artiste poursuit, bien sûr, son cycle d'expositions. La prochaine a lieu en décembre à la galerie Paradoxe, rue Sainte-Madeleine, à Strasbourg. Deruber projette aussi d'animer l'an prochain des expositions-rencontres à la Fnac. Avec son brio habituel et son sens de la rhétorique, il ne devrait pas avoir trop de mal à captiver son auditoire.

Marie-Thérèse Kœhler